Dopez vos salariés au bonheur ?

Une fonction nouvelle est apparu : CHO, Chief Happiness Officer

Nés dans la Silicon Valley il y a une quinzaine d’année, de plus en plus, des postes de Chief Happiness Officers (CHO) sont à pourvoir dans le paysage professionnel français.

 

Il suffit d’une recherche rapide sur Linkedin pour s’en rendre compte. On dénombre 365 Chief Happiness Officer en France. On en comptabilise 2000 si l’on inclut les intitulés de postes équivalents dans la langue de Molière (« manager du bonheur », « chargé du bonheur », « responsable du bonheur », voire « Directeur Général du Bonheur », « passeur de bonheur »).

 

Un groupe Linkedin a même vu le jour : ‘Chief Happiness Officer France’, comprenant 769 membres. Il a pour vocation de partager des actualités et des idées qui ont contribué au bonheur de salariés » et ainsi de « fédérer une communauté autour de ce métier naissant ».

 

 

On entend souvent parler de cette fonction dans l’écosystème des start-ups, notamment dans le secteur du numérique. De grandes entreprises « traditionnelles » telles que Kiabi, le Coq Sportif ou Orange recrutent également. Selon le site de recrutement qapa[1], le nombre d’offres à pourvoir pour ce poste a bondi de 967 % entre 2014 et 2016 et de 15 % supplémentaire en 2017.

 

 

Il n’existe pas de formation pour devenir CHO bien que des initiatives émergent. La Fabrique Spinoza propose ainsi lors de son Université du bonheur au travail, une formation « inédite de 3 jours qui outille et forme des Passeurs de bonheur au travail[2] ».

 

En bref, une nouvelle fonction à la frontière de divers métiers.

 

 

 

Un CHO … avec quelles applications concrètes ?

Concrètement, le CHO intervient au niveau des ressources humaines, de la communication interne de l’entreprise, de l’événementiel et plus rarement de l’administratif.

 

Les missions varient ; on note dans l’ensemble que le but d’un CHO est de faciliter et rendre plus agréable le quotidien au bureau des collaborateurs. Et ce afin qu’ils soient autonomes et sereins et se concentrent essentiellement sur leur travail. Le CHO doit adopter une posture de fédérateur, facilitateur, médiateur.

 

Autant dire que ces postes sont hybrides et que chaque entreprise a sa propre vision des missions à réaliser par le CHO et des leviers qui lui sont accordés. Pour certains, il s’agit de renouveler la vision des ressources humaines, quitte à donner ce poste à un Directeur des Ressources Humaines, dans l’esprit de lui permettre de se focaliser plus sur la partie immatérielle de son poste initial (motivation et engagement des employés, renforcement de la cohésion des équipes, diffusion de la culture de l’entreprise).

 

D’autres prennent le postulat de distinguer clairement les deux fonctions, le CHO devant être perçu comme assez indépendant. En effet ce dernier se doit de gagner la confiance et l’adhésion des employés pour pouvoir agir de façon plus transversale. Ce faisant, on évite de l’associer à la gestion des contrats des salariés par exemple.

 

 

Pour atteindre son but, le CHO peut donc mettre en place des actions telles que :

 

  • Activités de détente : salle de sport et coach sportif, séances de massage, moments d’échanges en tout genre (barbecues, petits déjeuners),
  • Garderie ou crèche pour enfants,
  • Transports facilités (quitte à négocier avec les compagnies de transports publics),
  • Aménagement d’espaces verts et d’espace de détente,
  • Support logistique des évènements gérés par les collaborateurs,
  • Préparation des salles de réunion, des espaces de détente (disponibilité du matériel, etc.),
  • Production de newsletters internes ou autres moyens de communication afin de faire circuler les informations de façon intelligible par tous,
  • Ateliers de communication non violente,
  • Intégration des nouveaux employés.

 

Enfin et dans l’idéal, le CHO intervient au niveau stratégique, plus en profondeur, au-delà de l’aspect ‘renforcement de la convivialité’. Il peut agir en tant qu’intermédiaire entre le management et les salariés :

  • Entretiens individuels confidentiels à la suite desquels les blocages sont remontés à la hiérarchie,
  • Questionnaires recensant les problèmes, aspirations des employés (télétravail, besoins d’accompagnement, etc.) et mise en place de plans d’action,
  • Renforcement de la mobilité interne,
  • Mise en place de nouveaux outils numériques.

 

Laurence Vanhée, icône du mouvement du bonheur au travail, s’efforce de rappeler que la fonction va plus loin que les massages et les barbecues.

 

 

Quid d’un CHO sans l’existence d’une stratégie managériale ?

Que serait l’impact d’un CHO sans l’existence d’une stratégie managériale qui privilégie et positionne l’humain au centre ?

 

Certains CHO n’interviendront que sur la partie organisation de moments de convivialité, ce qui est certes important mais loin d’être suffisant pour améliorer le bien-être au travail et éviter les maladies professionnelles liées aux risques psychosociaux. Assiste-t-on à l’utilisation du CHO comme effet cosmétique ?

 

Se contenter d’embaucher un CHO sans s’assurer que le management de proximité soit à la hauteur ou sans instaurer une politique sociale cohérente est une démarche vouée au mieux à des résultats mitigés, au pire à l’échec.

 

Si l’entreprise est caractérisée par un contexte social tendu (plans de restructurations etc.), on voit mal comment le CHO pourra être perçu comme légitime par les employés.

 

Le dirigeant de l’entreprise reste responsable de la santé mentale de son organisation. Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’il est le premier CHO en quelque sorte. La responsabilité du bien-être au travail doit être élargie à l’entreprise toute entière.

 

On le voit bien, des entreprises offrent des conditions et un climat de travail sains sans recruter un CHO. Chaque collaborateur doit être encouragé à adopter une attitude bienveillante et à participer à des initiatives au sein de l’entreprise.

 

 

… Mais qui évite de tomber dans l’injonction au bonheur ?

Nous sommes tous d’accord pour affirmer que la prise en compte des risques psychosociaux au travail, la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles sont essentielles. Les efforts entrepris pour assurer l’épanouissement des employés au travail sont aussi importants.

 

Mais l’employeur se doit-il de demander à ses employés d’être heureux ? Qu’advient-il alors de Mathieu du quatrième, qui ne souhaite pas participer à la fête de Noël organisé par l’entreprise ? Prenons-nous le risque d’imposer le bonheur et par rebond d’exclure des collaborateurs ?

 

Si la recherche du bonheur sur le plan personnel est un sujet qui demeure intarissable (témoin les nombreuses publications à ce sujet), la recherche du bonheur dans l’entreprise fera encore couler de l’encre !

 

 

Vous souhaitez en parler avec nous ? Vous pouvez prendre rendez-vous avec Joceline HAMON, directrice du Cabinet ALEC Coaching, en cliquant sur le lien ici !

 

 

[1] https://www.qapa.fr/news/actualite/chiffres-de-l-emploi/

[2] http://fabriquespinoza.fr/wp-content/uploads/2017/11/Kit-Passeurs-du-Bonheur-au-Travail-Novembre-2017.pdf

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